Entreprendre en Algérie : entre opportunité et nécessité
Smala Media
Lamine Talakela, President du disposif « BePositive – Connect. Act. Impact. » de promotion du développement par l’entrepreneuriat, l’innovation et l’éducation.
Le titre suggère une exploration des motivations et des conditions pour lancer une
entreprise en Algérie. Sujet ô combien tendance et concret en Algérie ces dernières années. En tant qu’acteur privé indépendant de la promotion du développement économique par l’entrepreneuriat, l’innovation et l’éducation en Algérie (depuis 2015) et dans 22 pays, voici les interprétations que nous avons souhaité partager à travers ce titre et cet article :
Opportunité : Ce terme indique qu’il existe des aspects positifs et des potentiels de croissance et de réussite pour les entrepreneurs en Algérie. Cela peut inclure des marchés émergents, des secteurs sous-développés, des besoins non satisfaits, ou des soutiens gouvernementaux pour les startups et les nouvelles entreprises ; nous les évoqueront plus loin.
Nécessité : pour certains, entreprendre en Algérie est plus qu’une option, c’est une obligation. Cela peut être dû à des facteurs économiques, tels que le taux de chômage élevé, le manque d’opportunités d’emploi traditionnelles, ou une économie qui nécessite des solutions innovantes et entrepreneuriales pour progresser. Là encore, l’objet est de vous partager des éléments tangibles relevés de nos expériences terrains issu de notre réseau implanté et éprouvé en Algérie, pour vous faire ressentir un état pragmatique de la situation et comment vous y projeter de manière concrète.
En résumé, le titre juxtapose deux forces motrices différentes derrière l’entrepreneuriat en Algérie : celle de saisir des opportunités prometteuses et celle de répondre à des besoins économiques ou sociaux pressants. Il met en lumière la dualité des raisons qui poussent les gens à entreprendre dans ce contexte particulier que nous évaluons comme prometteur et plein de possibilités pour l’avenir.
Ainsi, pour rentrer dans le vif du sujet, on pourrait (grossièrement) découper 3 grandes périodes de la dynamique entrepreneuriale moderne (depuis 2000) en Algérie : la période dite « ANSEJ » de 2000 à 2010, la période « TIC & startup » de 2010 à 2019, la période « post-covid » depuis 2021.
Chacune de ces périodes correspond à une dynamique plus ou moins structurée d’interaction entre les différentes politiques publiques qui se sont succédées et les envies du peuple jeune et moins jeune.
Crée des 1996, le dispositif « ANSEJ » (Agence Nationale de Soutien à l’Emploi des Jeunes) se popularisera au début des années 2000. Sa vocation est simple : permettre aux jeunes qui ne trouvent pas leur place sur le marché de l’emploi (de 18 jusqu’à 40 ans selon conditions) de créer leur propre emploi en lançant un projet. Ce dispositif bien qu’avantageux verra de nombreux projets financés disparaitre rapidement par manque d’accompagnement et de suivi en contrepartie de l’argent perçu et des biens et matériels
achetés grâce à cela. Néanmoins, cela a permis à un certain nombre de jeunes hommes et femmes algériens de mettre le pied à l’étrier de l’entrepreneuriat dans leur pays, et de se rendre compte qu’une éducation entrepreneuriale est souvent nécessaire (accompagnement, gestion financière, business model et économie de marché, …
etc.), ainsi que le besoin de disposer d’un écosystème de soutien et d’information.
Progressivement, à partir de la fin des années 2000s et le début des années 2010s, l’avènement du haut débit mobile, de la digitalisation et des réseaux sociaux marqua en Algérie comme partout dans le monde un nouveau tournant (grâce aux réseaux sociaux et outils collaboratifs numériques) ; l’accès à encore plus d’informations, de partage d’expériences, et de modèles nouveaux à appliquer en Algérie. Ce fût le cas de l’engouement pour la tech, les projets innovants et les startups. Des challenges, concours,
ateliers participatifs, méthodes innovantes et pédagogiques ont ainsi vu le jour et gagné l’Algérie et les algériens (hackathons, Startup Weekend, concours de robotique et systèmes embarqués ou de développeurs, … conférences et séminaires – Nous avons notamment participé à l’époque au Med-IT au Palais de la Culture à Alger en 2011 où un village start-up et un trophée d’innovation étaient déjà présents ; l’un des invités phares était l’éditeur canadien RIM à l’époque où le BlackBerry régnait en maître incontournable en entreprise … les plus de 20 ans s’en souviendront).
C’est durant cette période que nous avons, nous concernant, fait nos premiers pas en tant
qu’entrepreneur, dans le domaine des « TIC » comme on disait à l’époque, et que nous avons pu comparer la dynamique et la structuration entrepreneuriale, tech et numérique en Algérie, et la comparer à ce que nous voyions et connaissions en France et à l’internationale où nous étions en train de nous déployer.
Le constat était simple : pour les projets entrepreneuriaux de prestations intellectuelles, de conseil, d’agence, de formation, … il n’y avait aucun dispositif d’accompagnement.
Néanmoins, l’algerien(-ne) a cette force qu’il est curieux, ambitieux, résilient, qu’il a soif d’apprendre et de faire, et donc qu’il cherche des solutions ou bien il expérimente lui-même. Ainsi à ce moment-là, un bon nombre d’acteurs des TICs, de l’écosystème startup naissant en Algérie sur les plans du privé, du public ou encore l’associatif et les clubs étudiants vont se créer et s’organiser comme ils le peuvent pour s’entraider, et faire émerger une première génération de projets d’entreprises innovantes et de startups (on peut notamment penser au Cyber Parc de Sidi Abdallah, aux Webdays, à Casbah Business Angels, ou encore à notre dispositif « BePositive » qui est réellement né entre Alger et
Rouen en France lors d’un 1er évènement à l’USTHB en 2015, … et bien d’autres, les pionniers se reconnaitront).
Un élément important à noter à cette période, c’est que ceci a conduit avec l’aide des pouvoirs publics à dessiner les prémices de ce que nous observons aujourd’hui ; une structuration des processus collaboratif et incitatif.
D’après la « Revue Française de Gestion » numéro 100, parue en 1994, l’élan entrepreneurial moderne (d’après les années 2000) doit être capable de : mobiliser les intelligences, donner un cadre de gestion des responsabilités (le l »gal), gérer les stress (les aléas, les crises, … par les dispositifs de soutien). C’est typiquement ce qui s’est dessiné progressivement par l’organisation des filières et syndicats d’entreprises par activités et dynamiques (on peut penser au GAAN ou au CREA par exemple), aux
institutions publiques (ANSEJ – désormais le NESDA, INAPI, Algeria Venture, Algerian Startup Fund, …etc.), et le système éducatif avec la création progressive au sein des universités depuis des années, de Maisons de l’Entrepreneuriat (désormais « Centres de Développement de l’Entrepreneuriat ») accessibles aux étudiants pour rencontrer des enseignants et des référents capables de les renseigner et les
accompagner dans leur démarche de structuration de projet puis de création d’entreprise.
Nous avons notamment eu la chance de participer en tant qu’invité d’honneur et conférencier (à titre personnel) en 2019 juste avant le covid, à collaborer avec l’Université Oran 2 sur ces sujets, et à intervenir en février 2020 à l’inauguration de la Maison de l’Entrepreneuriat avec plus de 80 étudiants participants à
un bootcamp entrepreneurial.
Depuis la fin de la pandémie, tout s’est accéléré, la dynamique entrepreneuriale algérienne évolue très régulièrement et en peu de temps : la création d’un ministère délégué des startups, devenu ministère à part entière désormais et consacré aux startups, à l’économie de la connaissance et aux microentreprises (l’équivalent du statut d’autoentrepreneur comme il existe dans de nombreux pays) existe.
En 2024, l’entrepreneuriat en Algérie est véritablement une solution pour créer de la valeur, se créer des opportunités nouvelles, ou encore diminuer le taux de chômage des étudiants.
Comment et pour qui ? À chacun une possibilité d’entreprendre en Algérie.
En Algérie, il y a plusieurs options pour entreprendre et s’informer au préalable (très important) en fonction du type de projet, de sa situation, ou du domaine dans lequel on souhaite exercer.
Pour les étudiants, les Centres de Développement de l’Entrepreneuriat et les incubateurs d’université sont de plus en plus nombreux ; ils permettent aux étudiants de toutes filières d’assister à des évènements, d’y trouver des interlocuteurs, d’y recevoir des conseils, et pour ceux qui le souhaitent ; d’être accompagnés à la structuration de leurs idées.
Depuis 2022 également, se sont mis en place les « diplômes startups » dans le cadre de l’article 1275 de la loi de finance algérienne ; une mesure incitative pour au profit des étudiants diplômés, de postuler à un double diplôme qui viendrait crédibiliser leur démarche entrepreneuriale s’ils ont un projet en cours. Et ainsi prétendre à un « label » et l’accès à des possibilités de financement de l’état pour l’amorçage de leur projet (sur conditions et dossiers) des avantageux fiscaux, et l’accès à des locaux partenaires.
Une démarche qui vise aussi à quantifier l’envie entrepreneuriale et à identifier les besoins des porteurs de projets pour mieux les servir à l’avenir. Pour aller plus loin, et même si vous n’êtes pas étudiants, vous pouvez soit bénéficier de ces avantages par les « labels » (si vous avez un « projet innovant » ou un projet « startup » ; voir le site officiel
www.startup.dz) , soit vous orienter vers le bureau et le référent NESDA (nouveau nom de l’agence ANSEJ ; « National Entrepreneurship Support and Development Agency) le plus proche de chez vous ; ilssont présents dans toutes les wilayas.
Que vous soyez un local en Algérie ou en cours d’installation (ou ré-installation) en Algérie ou en amont d’un projet pour vous renseigner ; lors de votre prochain séjour en Algérie, nous vous conseillons de contacter un bureau NESDA pour vous renseigner précisément sur les possibilités d’accompagnement, les compétences en terme de conseils, et les statuts et dispositifs existants en Algérie selon vos projets (secteur des services à la personne, profession libérale, industrie, agriculture, … etc.). C’est réellement un premier point d’entrée important et incontournable pour se renseigner. La Wilaya, les chambres consulaires ou l’APC sont normalement en mesure de vous fournir les contacts du bureau NESDA de votre wilaya.
Si vous souhaitez tester le marché algerien avec un statut legal et avantageux sans prise de risque, vous pouvez également opter depuis janvier 2024 pour l’obtention d’une carte d’autoentrepreneur. La démarche se fait 100% en ligne sur le site de l’ANAE que vous soyez résidant algérien en Algérie ou à l’étranger du moment que vous avez +de 18 ans, une adresse de résidence en Algérie, et la nationalité algerienne ; cela prend de 24 à 72h pour recevoir sa carte d’autoentrepreneur dans le bureau de Poste le plus proche de chez vous en Algérie (à un coût symbolique de 1200 DZD) et un numéro d’identification fiscal qui vous permet ainsi d’exercer en toute légalité (un impôt forfaitaire de 0,5% de votre chiffre d’affaire annuel … une mesure incitative et inclusive absolument géniale pour se
lancer !).
Une dernière option et pas des moindre si vous avez un projet entrepreneurial en Algérie, c’est de vous rapprocher de l’un des incubateurs labellisés (oui il existe aussi un label incubateur) existant un peu partout en Algérie, qui sera à même de vous proposer un accompagnement et des locaux pour passer de l’idée au projet, et du projet à un business (voir conditions d’un incubateur à l’autre).
Si vous êtes de passage à Oran, nous vous invitons à venir visiter notre incubateur partenaire de BePositive, le « Makers Lab ».
L’élan entrepreneurial en Algérie joue un rôle crucial dans la transformation et le développement du pays, tant aujourd’hui que pour les générations futures.
En mobilisant des talents créatifs et des esprits innovants depuis l’université, les lieux (incubateurs et autres doubles diplômes, …), les dispositifs publics, et sans compter les dispositifs privés performants et expérimentés qui émergent, l’Algérie voit naitre une nouvelle vague de startups, d’autoentrepreneurs et de PME qui stimulent l’économie, créent des emplois et répondent aux défis locaux avec des solutions adaptées créent par des algériens hommes et femmes.
Cet esprit d’initiative est essentiel pour diversifier l’économie, réduire la dépendance aux hydrocarbures on le sait, mais aussi promouvoir un développement durable par des projets innovants. En investissant dans l’entrepreneuriat, l’Algérie prépare un avenir prospère où l’innovation et la résilience des jeunes entreprises seront les moteurs de la croissance et de la compétitivité sur la scène internationale ; c’est ce à quoi nous nous employons avec BePositive, et cette même dynamique où des
milliers d’autres algériens s’engagent.